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  • Photo du rédacteurChloé

Tout ce qu'on ne dit pas



Il y a quelques semaines j’ai entendu parler du livre de la journaliste Renée Greusard, Choisir d’Etre Mère : tout ce qu’on ne vous a pas dit sur la parentalité. Il a fait grand bruit et pas mal polémique. Pour moi, il tombait à pic. Peut-on choisir d’être mère ? Peut-on choisir un « état » sans l’avoir jamais vécu ? Renée Greusard dénonce les tabous, le manque d’informations, de transparence, et surtout l’opacité autour de la maternité. A son retour de congé maternité, après qu’elle a répondu très honnêtement à la question « comment se sont passés ces derniers mois ? » son ancienne boss lui a dit : « oui mais ne l’ébruite pas trop, il ne faut pas dégouter les autres »…





Cette phrase, un peu surréaliste, complice d’un bonheur maternel qui est (presque) une injonction, rejoint celles écrites il y a peu par une psychothérapeute dans le magazine The Huffpost où celle-ci dénonce ces mères qui osent parler et dire ce qu’est pour elles la maternité, loin des clichés de contes de fées. Elle critique une trop grande information autour de la grossesse et de la maternité qui gâche le bonheur d’avoir un enfant, et en dit trop aux futures mères. Comme si ces mères qui parlent et se targuent de transparence n’avaient que pour but d’assombrir la maternité. Comme si être honnête, transparente, ne pouvait que s’opposer à avoir une maternité épanouie et belle.


J’ai pourtant été la première à me sentir trop informée avant la venue de ma fille et après. Parfois il est vrai que je n’avais plus envie d’entendre ou lire ces témoignages bruts, pas enjolivés, très effrayants de la maternité. Mais dans ce désir de s’écarter d’eux et de l’information - bien que salvateur - il y avait surtout ma peur. Que ce soit trop. Trop pour moi. C’est là qu’entrent en jeu toutes ces mères qui disent et ne taisent plus. Comme le dit Renée Greusard, si son livre peut aider les femmes qui ne veulent pas d’enfants à confirmer leur choix et celles qui en souhaitent à savoir à quoi s’attendre pour moins tomber de haut, tant mieux ! Elle le dit et je le pense mille fois : « depuis que je suis mère, je comprends tellement les femmes qui ne veulent pas d’enfants. » Je crois que le problème majeur réside dans le fait qu’avec une telle constatation, il nous faut redoubler de justifications pour dire qu’on aime nos enfants et qu’on ne regrette pas, qu’on est quand même une bonne mère et qu’on gère du mieux qu’on peut. Taire tout ça, c’est aussi être complice de ce qui se joue insidieusement en termes d’injonctions au bonheur, et d’injonctions à la maternité surtout. Socialement, nous sommes encore très ancrés dans des schémas où elle est au centre de la vie d’une femme. Il n’y a qu’à voir comme sont traitées les femmes qui ne veulent pas d’enfant. On débat de leur décision pourtant absolument personnelle (à vrai dire il n’y a pour moi pas une décision plus personnelle que celle-ci), on méprise souvent leur décision qu’on gratifie aisément d’un « tu changeras d’avis » comme si la maternité était pour une femme la seule façon d’exister et de s’accomplir. Quelle sorte d’injonction est-ce dans une société qui se dit féministe et avancée ?


Malgré ces paroles qui se délient et cet accès grandissant à la transparence, je dois tout de même admettre que ce n’est pas vraiment « suffisant. » Dans mon cas en tous cas, j’avais tellement envie d’ajouter un individu à notre famille que j’avais beau lire tout ça, mon envie était là. Je l’ai pourtant analysée, intellectualisée, repoussée, questionnée, elle a pris le pas. Et quand ma fille est née, je n’étais quand même pas préparée au bouleversement qui a suivi et qui est loin d’être terminé. La maternité vient faire exploser ce que nous sommes. Et au milieu de ce tsunami d’émotions et d’abnégation, il faut trouver le temps de retrouver les morceaux, en recoller certains et aller chercher de nouvelles pièces. C’est presque impossible de ne pas se perdre. Bien sûr, certaines se trouvent dans la maternité. Certaines l’ont tellement attendu que c’est une évidence. Toutefois, dire que ce n’est que du bonheur et que ça ne fait pas voler en éclats ce que nous étions relève pour moi du mensonge, ou du déni…


Je ne veux pas tomber dans les justifications qui visent à dire à quel point j’aime ma fille malgré tout ça, malgré cet article. Bien sûr que quand je réussis à avoir quelques minutes à moi, seule aux toilettes, je regarde toutes les photos prises d’elle juste avant. Bien sûr qu’elle me manque quand elle dort le soir alors que j’ai voulu la coucher toute la journée pour vaquer à mes occupations. Bien sûr que je l’aime chaque jour un peu plus et que je ne sais même pas comment c’est possible. Pour autant parfois je me questionne : « si c’était à refaire ? Je le referais ? » Très honnêtement je ne sais pas. Cette question est stérile de toute façon puisque sans savoir mon envie prendrait quand même le dessus, et en sachant ce que c’est je me demande si je pourrais me passer de cet amour-là, de cette relation-là. A la limite c’est pour un éventuel deuxième que la question se posera de manière plus éclairée, et c’est bien pour ça qu’elle rendra la réponse si charnière et complexe. Et c’est peut-être donc à partir d’un deuxième enfant seulement qu’on peut « choisir d’être mère. »






Au début de son livre, Renée Greusard cite deux auteures. Annie Ernaux, dans son livre La Femme gelée, quant à son retour au travail : «Rien que parler et être écoutée, c’est bizarre après le silence engourdissant des intérieurs ou le gazouillis du Bicou. Mais il est venu le plaisir, celui de la puissance peut-être. A nouveau, j’avais prise sur le monde. Même ma solitude au milieu de quarante élèves devenait exaltante. La re-vie. » Et Deborah Levy dans son livre Le Coût de la vie : « Arracher le papier peint de ce conte de fées qu’est la maison familiale où le confort et le bonheur des hommes et des enfants ont été prioritaires, c’est trouver en dessous une femme épuisée, qui ne reçoit ni remerciements ni amour et qu’on néglige. » Ces deux citations me glacent et m’interrogent. Ce que je suis, ce que je deviens, ce que je tais, comment je coule dangereusement dans un quotidien monotone et mécanique depuis que je suis mère. J’en lis d’autres d’Annie Ernaux, extraites du même livre : « Elles ont fini sans que je m’en aperçoive les années d’apprentissage. Après, c’est l’habitude. Une somme de petits bruits à l’intérieur, moulin à café, casseroles, prof discrète, femme de cadre vêtue Cacharel ou Rodier au dehors. Une femme gelée. », « On finit par ne plus comparer sa vie à celle qu’on aurait voulue mais à celle des autres femmes. Jamais des autres hommes, quelle idée. », « J’ai vécu jour après jour la différence entre lui et moi, coulé dans un univers rétréci, bourrée à la gueule de minuscules soucis. De solitude. Je suis devenue la gardienne du foyer, la préposée à la substance des êtres et à l’entretien des choses. »

Hormis les costumes Cacharel et Rodier, les similitudes avec Annie Ernaux me frappent, me sautent au visage, me tordent le coeur. Alors s’il est difficile de « choisir d’être mère », je me dis que ces citations, cette transparence et cette honnêteté courageuse - et très souvent haïe pour ce qu’elle fait interroger - permet en réalité de se poser les bonnes questions et de ne pas glisser vers cette femme gelée. Alors moi aussi je veux être transparente.


***


Tout ce qu’on ne dit pas m’a remis en tête les derniers messages vocaux que j’ai partagés avec une amie de longue date. Je lui ai enregistré un gros condensé de mes ressentis depuis la naissance, depuis que je suis mère. Des difficultés concrètes aux remises en question bien plus profondes, en passant par la beauté de la maternité et les bouleversements majeurs qu’elle implique, presque tout y passe. Avec cette amie on peut passer des heures au téléphone à disséquer mille sujets mais surtout ceux qui ont trait à l’humain, à la psyché, aux relations. Je m’en suis donc donnée à coeur joie d’alimenter de futures conversations sans fin entre elle et moi. Et c’est sur cette base que je vais écrire cet article très personnel et très, très, transparent.


- la chute d’hormones et le baby blues


Sans y réfléchir réellement, je commence mes vocaux en parlant de mon accouchement par césarienne et du projet d’accoucher à la maison qui n’a pas eu lieu. Cet accouchement idyllique dans mon cocon personnel, après lequel les femmes ne vivent pas de baby blues, que je n’ai donc pas eu. J’en viens donc à la conclusion que tout ça a dû fortement conditionner mes premiers pas en tant que mère, et la chute d’hormones, vertigineuse, qui s’en est suivie. Une amie me disait que lorsqu’elle doutait au début qu’elle était mère, elle se rappelait son accouchement pour reprendre confiance en elle, en son pouvoir de femme et en ses capacités de mère. Moi je ne ressors aucun héroïsme de mon accouchement. Pour moi ce fut même le contraire absolu d’un exploit. C’est très personnel mais moi je n’ai pas du tout l’impression d’avoir donné la vie très honnêtement. On a retiré ma fille de mon ventre et malgré les heures interminables de contractions avant, et tout le travail à la maison, la fin est une somme de personnels hospitaliers qui la sortent de mon ventre et moi qui la récupère réellement trois heures plus tard.


Je parle ensuite de la façon dont j’ai intellectualisé le fait d’avoir un enfant et qui conditionne ces premiers pas également. Je ne peux m’empêcher de questionner, tout, tout le temps. C’est épuisant. Et choisir d’être mère a fait partie du même processus, si ce n’est plus ! Alors ces questions, ces doutes et ces faits qui venaient faire peser la balance du côté plutôt « je ne vais pas faire d’enfants », ils me sont revenus en pleine face quand ma fille est née. Parce que toutes les raisons pour lesquelles je pensais qu’il valait mieux ne pas en faire étaient en fait « extérieures » à moi. La société actuelle, l’écologie, tous les enfants miséreux qu’on pourrait adopter, les inégalités qu’un enfant met en exergue dans un couple etc. Là, des tas de raisons personnelles sont venues s’y ajouter. L’aliénation, l’abnégation, la privation de liberté, le bouleversement, les changements en soi.


- L’aliénation et l’oubli de soi, la perte de spontanéité


Au début, la fatigue est telle qu’on ne voit plus clair. La première fois que je suis ressortie une heure faire des courses j’étais dans un autre monde, sur une autre planète. Je me demandais où j’étais, ce que je faisais là. J’avais vécu chez moi dans un cocon et un espace temps totalement différent et j’étais là au milieu du monde qui grouille et qui continue son insatiable lancée. Et ce décalage, aussi perturbant et épuisant qu’il soit, était pour moi une partie de ce qui n’allait pas. Malgré mon épuisement physique et moral, je me sentais tellement prisonnière que j’avais besoin de sortir. Mais sortir m’épuisait. Et puis sortir et voir du monde c’était aussi la porte ouverte aux remarques alors que j’étais encore totalement balbutiante dans mon rôle de mère, et complètement vulnérable. J’étais là, comme si on m’avait mise au centre d’une assemblée et que j’étais ouvertement jugée, scrutée, analysée, critiquée, sans aucun moyen de me défendre. C’était très violent et j’ai développé une colère qui est montée crescendo tellement je l’ai tue.

Quand j’ai eu envie de sortir de nouveau, j’ai découvert une chose que je n’avais jamais soupçonnée et qui m’a énormément ébranlée : ma dépendance à l’autre, au deuxième parent. Chaque fois que je voulais sortir de la maison seule, je devais lui demander. Pas son autorisation non mais ses disponibilités pour garder notre fille. Au-delà du côté « organisation » qu’il fallait créer, le fait de devoir demander à l’autre pour pouvoir sortir, de ne pouvoir le faire qu’avec sa présence à la maison, de ne plus pouvoir aller et venir à ma guise a été très violent pour moi.


L'aliénation qui vient avec l’enfant, sous toutes les coutures. C’est vertigineux. Je dis dans mes vocaux, sur le ton de la plaisanterie : « et là tu rencontres ton bébé, que tu ne connais pas du tout. Et c’est un peu comme si tu cueillais quelqu’un sur le bord de la route et que tu lui disais « allez viens, viens vivre avec nous. Bah pour toujours en fait. Et tu es tellement vulnérable et dépendant que je vais te donner de ma personne 24h/24, 7j/7, je ne sais pas du tout quand je vais retrouver ma liberté mais allez je le fais, et je le fais sans rechigner. » Et cet oubli de soi vient directement après une période de notre vie où, pour la plupart d’entre nous, on a été le plus épaulée, chouchoutée et suivie pendant la grossesse. Le changement est drastique. C’est un virage à 180 degrés !


- l’égocentrisme


La façon dont des amies (ou même les personnes autour de nous de manière générale) vantent souvent, sans le vouloir, cette relation fusionnelle avec leur enfant, m’est longtemps apparu comme quelque chose de très beau. Quelque chose à envier, à rechercher. Alors j’ai été pas mal déboussolée quand je n’ai pas ressenti ce lien fusionnel tout de suite avec ma fille. Je ne la connaissais pas et elle non plus, et si ses besoins étaient directement assouvis par moi, sa mère, et qu’elle n’avait besoin que de moi au début (et son père évidemment), ça s’arrêtait là. Je n’avais pas l’impression d’être son repaire/repère, son tout. Ca m’a déstabilisée. Puis j’ai interrogé ce désir, et je l’ai trouvé très pervers en fait. Aujourd’hui elle est dans une phase où notre relation devient de plus en plus fusionnelle car elle me reconnaît même visuellement, elle me cherche, je l’apaise, moi et pas les autres. Et ce que ça fait à mon orgueil et mon égo est très pervers. Bien sûr je ne remets pas en question ce lien si beau entre une mère et son enfant. Il ne faudrait pas que je salisse ça en questionnant trop, j’en ai conscience. Mais quand même. Entre ça et la façon dont la fierté de la famille ressort, souvent de manière inattendue et choquante, je me dis qu’on tombe vite dans ce qui me fait horreur : attendre d’un enfant des choses qui nous font du bien en tant qu’adulte mais n’ont rien à voir avec ses besoins d’enfant, tout en lui refusant en quelque sorte son individualité. Etre égoïste en fait. Le vouloir à notre image, dans notre moule, comme on l’attendait. Qu’il.elle ressemble à ses parents enfants, à tel côté de la famille, qu’il.elle aime ce que nous on rêve de partager avec lui. C’est égocentrique. C’est le remplir de nos envies et besoins et le faire remplir notre manque d’estime de nous-même, pour se faire du bien. On peut vite transférer sur un enfant ses manques, ses névroses, ses absences, ses envies, ses attentes. Remplir un vide. Panser une plaie… Se rend-t-on compte de ce qu’on met alors sur leurs épaules ?



-le couple

Découvrir mon conjoint dans ce nouveau rôle, le voir aimer notre fille a été pour moi une bouffée d’amour. J’étais si déboussolée et si peu sûre de moi qu’il a été mon phare dans la tempête les premières semaines. Puis la réalité a repris le dessus. La fatigue qui rend fou, lui très irascible pour la première fois de sa vie et que je découvrais sous ces traits-là, les comptes d’apothicaire puérils le soir venu pour cracher notre venin et voir qui s’en occupait le plus. Cette compétition malsaine, perverse encore, tellement adulte et si peu innocente, qui peut se mettre entre un enfant et ses parents, entre deux parents. Cette peur à peine avouée et avouable que l’enfant en aime plus un que l’autre.


Puis d’autres choses plus profondes sont venues sur la table. Accepter la vision éducative de l’autre. On communique beaucoup, on a les mêmes valeurs et presque la même vision de la vie. Je pensais donc naïvement que tout serait simple et évident. Mais c’est sans compter sur nos familles élargies qui viennent aussi créer des tensions au sein du couple, sur sa capacité à lui qui différait de la mienne de laisser notre fille être constamment portée par les autres en dépit de ses besoins de nouveau-né, la laisser être passée sous le crible de l’analyse et du jugement. Sans compter sur mes hormones et ma vulnérabilité que lui ne ressentait pas. Pour moi, la difficulté fut encore liée à cette aliénation à l’autre qui vient avec un enfant. Je réalisais que nous étions liés à jamais et que jamais plus je ne pourrai prendre de décision uniquement pour moi. Par exemple il me serait totalement impossible d’aller vivre mon rêve de vivre en Irlande en séparant ma fille de son père par des milliers de kilomètres. Je perdais ainsi une énorme part de liberté.


L’oubli de soi est tel qu’on n’a plus de place pour l‘autre sans creuser encore plus la mise entre parenthèses de ses propres besoins. C’est difficile de tout concilier. On s’aime mais on n’a plus l’espace pour le faire. Il faut trouver un nouvel équilibre qui selon les personnes et les couples n’est pas toujours évident de prime abord. Et puis bien sûr, il y a cette mise en lumière encore plus violente des inégalités « domestiques » avec un enfant. La femme qui reste à la maison pour le congé maternité, isolée et esseulée, sans interactions sociales, prise dans l’engrenage de l’abnégation et la répétition, et l’homme qui retourne dans le monde. La femme qui joue son rôle ‘naturel’ sans reconnaissance et l’homme qui est un père exceptionnel dès lors qu'il aime son enfant et lui change un couche (j'exagère à peine...)


- se perdre


Et puis il y a la perte de nos repères, de qui l’on est en tant que femme, sans enfants. C’est une autre identité qui vient s’ajouter à celle que l’on connaît, que l’on apprivoise (parfois tant bien que mal déjà.) Si j’ai trouvé qu’on ne changeait pas drastiquement, loin de là, j’ai trouvé la perte de soi-même très insidieuse, pernicieuse. Elle survient petit à petit, sans qu’on s’en rende vraiment compte, à force d’une autre vie qu’on se construit et qui ne tourne au début qu’autour du bébé. On en perd un peu ses repères, qui l’on était avant et qui on voulait être. Les modifications psychologiques et physiologiques qui font que la mère prend soin de son petit naturellement et souvent de manière évidente peuvent écarter de la femme. Pour ma part, ça s’est traduit par couler lentement dans une vie de ménagère, bourrée de ressentiments, prise entre mon envie de reprendre le travail et ma peur de ne pas gérer ce nouveau rythme, la préparation des cours, ma fille, les tâches quotidiennes, et laisser en garde ma fille toute la semaine durant des heures en loupant une bonne partie de ses premiers mois, de ses premières fois. Ne pas lui montrer comme modèle cette vie de folie où on passe si peu de temps en famille mais ne pas non plus lui montrer celui d’une femme gelée, prise dans l’étau du quotidien et de la maternité quand ce n’est pas qui elle est. Une ambivalence d’autant plus grande quand vient l’enfant. Pour moi, ce fut également étouffer mes convictions, mes passions, mes engagements par amour démesuré pour ma fille. Préférer nous protéger du pire, de l’angoisse, me mettre dans une bulle hypocrite pour ne pas voir ce qu’il se passe dans le monde. Et ne pas se reconnaître.


Et puis il y a cette phrase d'Annie Ernaux, véritable électrochoc : « On finit par ne plus comparer sa vie à celle qu’on aurait voulue mais à celle des autres femmes. » Et comme toujours, l’introspection et la remise en question sont nos meilleures alliées pour se retrouver et ajuster ce qu’il faut dans notre vie.


***


Il y a tout ce qu’on ne dit pas, qui n’est pas nécessairement ressenti par chacune. Mais étouffé par beaucoup, et notamment la société. Il y a cette angoisse sourde de se faire happer par tout ça, et ce désir de ne pas vouloir voir, savoir. Désir légitime. Mais alors ce serait tuer la transparence et l’honnêteté qui font que plutôt que se comparer, se juger et se maudire, on se prend la main et on s’entraide. Et tendrement, on dit à chaque nouvelle mère que ses ressentis sont les bons, quels qu’ils soient, heureux et malheureux, car ils sont les siens. Et que dans chaque difficulté, elle n’est pas seule. Et dans chaque bonheur, ce sont des millions d’autres mères, parents, qui les ressentent. Et que bien souvent, si ce n’est la plupart du temps, les bonheurs l’emportent toujours sur les difficultés. Toujours.


Regarder grandir ma fille est pour moi quelque chose que je ne peux ni décrire ni même toucher du doigt tellement j’aurais peur d’abîmer ce sentiment qui m’habite quand je réalise cet incroyable privilège. Découvrir qui elle est en tant que personne, depuis le tout début de sa vie, en apprenant à la connaître en même temps qu’elle se découvre elle-même, en découvrant tout pour la première fois, est la plus belle chose qu’il m’ait été donnée de vivre. La plus incroyable. C’est un privilège que je ne veux jamais sous-estimer car c’est pour moi le plus grand d’une vie.










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