Deux ans d’expatriation : les leçons apprises. Part II
- Chloé
- 21 déc. 2018
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 sept. 2021

Dans mon dernier article ici ,je fais le bilan de ce que ces deux et quelques années d’expatriation m’ont appris. J’avais choisi de faire ma « devotion » à l’école sur ce sujet en racontant notre périple d’expatriés depuis Septembre 2016 et ce que chaque pays / aventure / expérience m’a appris. Des leçons et philosophies de vie qui pour certaines m’ont profondément changée et que je voulais partager sur le blog pour clôturer 2018.
Après avoir passé 6 mois en Irlande du Nord puis 5 mois en Malaisie, nous étions Juin 2017, Thomas terminait son stage de fin d’études et allait recevoir son diplôme d’ingénieur. Nous nous sommes donc retrouvés devant un panel de possibilités, ce qui n’a pas nécessairement rendu les choses plus faciles. En effet, réduire considérablement sa zone géographique dans une recherche d’emploi n’est pas simple mais l’ouvrir en grand quand en plus deux personnes doivent chercher un travail, c’est beaucoup plus difficile que ça n’y parait. Nous avons donc réduit les recherches à l’Europe, notamment parce que j’avais envie et besoin de rentrer vers ce que je connaissais après ces cinq mois en Asie. Et nous savions que Thomas serait très probablement le premier à trouver un travail. Ce qui fut le cas, une belle opportunité professionnelle en Angleterre, à 1h30 de Londres.

Septembre 2017 fut donc une nouvelle expatriation, et cette fois-ci davantage une réelle installation puisque nous allions chacun travailler et que le contrat de Thomas était de 18 mois renouvelable. La voiture chargée de tous les effets personnels que nous pouvions emmener, nous avons pris la route et le bateau et nous nous sommes installés quelque temps chez un ami d’enfance de Thomas le temps de trouver un logement. Le début de cette nouvelle aventure a été épuisant, plein de challenges et de remises en question. J’ai vécu les premières semaines difficilement, en pensant que nous avions peut-être fait une erreur et que c’était le changement de trop. Le fait d’être encore cataloguée de « suiveuse », devoir encore une fois recommencer la recherche d’emploi à zéro, admettre qu’enseigner l’anglais et donc enseigner tout court allait être difficile voire impossible me hantait chaque jour un peu plus. Et venaient s’ajouter les difficultés d’une expatriation/installation dans un nouveau pays (logement, papiers administratifs, sécurité sociale, ouverture de compte en banque, assurances, nouvelle ligne de téléphone, prouver tant bien que mal dans un pays qui n’avait aucun registre sur nous que nous n’étions pas endettés pour avoir accès à tout…) fut épuisant. Et puis j’ai fini par trouver un travail dans la lignée de mes études dans le tourisme, en tant que manager marketing pour une franchise d’escape game. Une nouvelle routine anglaise s’est installée, nous travaillions chacun beaucoup, je voyageais 2h par jour A/R pour aller travailler, nous avions définitivement laissé derrière nous notre vie calme et sereine de Malaisie. Nous étions de retour dans le cliché « métro – boulot – dodo », les courses, le ménage, les papiers, les responsabilités, un travail pas épanouissant pour moi et ultra stressant pour Thomas. Tout ce qui éloigne incontestablement d’une mentalité positive, calme et sereine. Et voici ce que cette expérience m’a appris :
Résilience, adaptabilité et responsabilité.
Encore et toujours. Des leçons qui se répètent et qui en démontrent leur importance. Mon job ne me rendait pas épanouie, j’avais très peu de temps pour moi et je ne le prenais pas correctement (arrêt de mes sessions running pendant un temps, Instagram et Messenger non-stop…), une dynamique totalement différente de la Malaisie et même de l’Irlande du Nord. Je subissais également la culpabilité de l’expatrié d’être loin et de ne pas donner suffisamment de nouvelles et de ne pas pouvoir le faire autrement qu’à distance, ainsi que le manque de temps en couple (et encore une fois les mauvais choix dans notre manière de passer ce temps en couple.) Une dynamique que beaucoup (trop) de gens connaissent.
J’étais redevenue angoissée par moment, souvent stressée, très irritable, facilement négative. Tout ce que la Malaisie avait finalement effacé ou diminué chez moi. La philosophie de vie que j’en avais tirée et qui m’était si chère semblait s’être envolée en un clin d’œil. Et c’était pire. Je bataillais dur contre moi-même pour récupérer tout ça, pour ne pas laisser partir des choses essentielles. Je refusais de laisser la place à une nouvelle Chloé, façonnée par une nouvelle vie. Je n’acceptais pas ce nouveau changement et je me trouvais nulle de ne pas avoir réussi à garder quelque chose de mon aventure asiatique. Et tout en me poussant, en y pensant constamment et en me culpabilisant, je continuais à être irritable et stressée, à faire les mauvais choix, à attendre le weekend avec (trop) d’impatience, à détester mes choix de vie qui étaient totalement contraires à mes convictions et valeurs, à batailler contre la société et surtout moi-même, qui me chuchotaient que la sécurité, le compte en banque et le job sur le CV (et pour les autres) c’est la facilité, et qu’on ne repousse pas la facilité. Et plus je bataillais, plus je m’enfonçais dans le négatif, happée par cette culpabilité constante, ces pensées à mille à l’heure, incapable de lâcher prise.

J’ai donc dû retrouver mon chemin seule. Et plusieurs choses m’y ont aidée. L’achat de notre van en Novembre 2017, que Thomas a transformé et rénové en seulement quelques mois. Une case de plus cochée sur notre liste de « rêves » (non pas que notre vie se résume à un marathon pour cocher ces cases !) J’avais enfin l’impression de reprendre ma vie en main car ce van on en avait rêvé des mois, et principalement durant la Malaisie, et c’était aussi la promesse d’éventuels futurs projets. Et surtout, ce fut notre escapade, notre salut. Il nous a permis de nous échapper de notre vie à mille à l’heure les weekends, que ce soit en partant sillonner la campagne anglaise, écossaise ou galloise ou en se réveillant au calme au milieu de la nature ou au bord de la mer, en nous concentrant sur l’essentiel, ou que ce soit dans la rénovation même du van, un projet dans lequel Thomas s’est jeté corps et âme en s’éclatant.

Ce fut également le sport. Retourner courir régulièrement et prendre tout ce que cette pratique m’apporte. C’est-à-dire les sensations, les endorphines, la satisfaction de l’accomplissement, la prise en charge de ma santé et de mon corps mais également, encore une fois, cette conscience de la nature qui m’entoure quand je cours et de la beauté qui se trouve partout, et surtout dans les petites choses. Les couchers de soleil au parc, les arbres en fleurs, les odeurs, les sourires des voisins, les grands-parents qui promènent leurs petits-enfants au parc, l’herbe qui pousse en plein milieu des dalles sur le trottoir, les arbres, les bâtiments historiques et les maisons typiquement anglaises, imaginer ces vies derrières les fenêtres… Finalement, boucler la boucle, et en conclure toujours la même chose : le minimalisme nous sauve.
Et puis prendre la responsabilité de mes actes, être maîtresse de ma vie et de mes choix. Accepter que tout ne soit pas parfait mais que dans ce cas il faut me poser les bonnes questions. Si je mène cette vie qui ne me satisfait pas pour les bonnes raisons, si c’est suffisamment temporaire et avoir conscience du moment où il faut agir, changer.
J’ai donc optimisé mon temps en profitant pleinement de mes 2h de voyage par jour plutôt qu’en les subissant, en choisissant la positivité car la vie est trop courte pour ne pas le faire (tout en acceptant de râler et de ne pas être constamment parfaitement parfaite car je ne suis pas un robot et que mes problèmes sont valables, même s’ils ne se mesurent pas à ceux des autres. Tant que je décide d’embrasser tout ça pour les bonnes raisons et surtout pour me propulser vers le positif et le changement.) Et j’ai donc cherché un autre travail, un autre avenir, une porte de sortie. Thomas n’était pas non plus entièrement satisfait de sa vie professionnelle, ni du pays, c’était donc d’un commun accord que nous reprenions les choses en main. Comme depuis toujours, nous nous dirigions vers une transition main dans la main. Nous n’étions pas mécontents de déjà repartir. Tout en étant prêts à tenter de trouver cet endroit et ces jobs qui nous feraient rester un peu plus longtemps quelque part (incluant la France), nous étions aussi tentés par une « dernière » expérience un peu plus « folle », notamment à l’autre bout du monde. Je savais juste que je ne voulais pas être de nouveau la suiveuse sans travail et qu’il était grand temps pour moi d’écouter mes envies et mon cœur, et retourner enseigner, coûte que coûte. Et c’est ainsi que je me suis retrouvée embauchée par une école internationale au Brésil alors que ça n’avait jamais été sur notre liste !

Et c’est donc aussi pour cela qu’avant de finir sur le Brésil, il me faut ajouter un point essentiel dans ces leçons apprises ces deux dernières années :
L’amour.
Je ne vais pas le développer ici car l’article est déjà bien trop long et que ce sujet ferait un article à lui-seul mais il est indéniable qu’en faisant le bilan, les leçons qu’on apprend le plus et dont on a le moins conscience, ce sont celles concernant l’amour, notre relation et notre couple. Vivre tout ceci à deux, main dans la main, souvent seuls, a très certainement façonné notre couple d’une manière unique dont on n’a encore pas conscience et que nous ne pouvons pas encore pleinement intégrer mais qui nous sera bénéfique de très longues années.
***
Nous sommes aujourd’hui au Brésil très certainement jusqu’à l’été 2019. L’expérience est donc en cours et il m’est difficile d’en faire un quelconque bilan objectif avec suffisamment de recul. Ceux qui suivent le blog régulièrement le savent, c’est encore une fois une expérience incroyable et je crois que celle-ci va battre des records en termes de leçons. Je parlerai très certainement davantage de leçons de tolérance, de leçons culturelles et spirituelles majoritairement, et bien sûr professionnelles, mais ça c’est un autre sujet. Retourner enseigner, même avec les challenges qu’une école américaine chrétienne au Brésil implique, a été une réelle bouffée d’oxygène. J’ai enfin sorti la tête de l’eau, pris cette grande inspiration qui me manquait tant et retrouvé un travail qui m’épanouit pleinement et pour lequel je ne regrette pas une seconde de travailler 45h/semaine, parfois plus quand cela implique d’ouvrir les cahiers les soirs ou les weekends.

Aujourd’hui, je prends ces leçons comme elles viennent, les bras ouverts. Je les ai parfois repoussées, j’ai parfois eu du mal à les accepter et encore aujourd’hui je suis parfois simplement fatiguée. Fatiguée de parler une autre langue constamment (l’anglais) et d’avoir une barrière énorme avec une seconde langue qui se trouve être la première du pays dans lequel je vis (le portugais.) Les élèves qui le parlent entre eux pour ne pas qu’on comprenne, chercher mes mots en anglais quand je suis fatiguée, ne pas me donner le droit à l’erreur car je l’enseigne et que je suis entourée de natifs, ainsi que la responsabilité de représenter mon pays entier à l’étranger, les différences culturelles et spirituelles (la religion) sont autant de choses qui sont parfois épuisantes. Et je sais que ce n’est pas fini et que j’aurai probablement d’autres moments où je baisserai les bras face à la différence, où je détesterai les discours religieux et où j’aurai envie de courir en France vers ce que je connais, vers les miens, vers des personnes qui comprennent mes références et réactions, des élèves qui ont les mêmes notions d’éducation et discipline et vers le fromage et les pâtisseries. Mais je prends tout et je l’embrasse car je sais que j’apprends constamment, des choses uniques et essentielles, que tout ça change ma vie à jamais, que chaque leçon apprise - même si elle est mise de côté quelque temps - est gravée en moi, que ces expériences sont uniques et incroyables et qu’elles me manqueront à la minute où je déciderai de les arrêter ou réduire. Ceci dit, arrête-on jamais d’apprendre et d’expérimenter ? Ne peut-on pas trouver tout cela dans n’importe quelle vie ? Car là tout de suite, un retour en France m’apparaît comme une nouvelle aventure au même titre que ces dernières années !
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