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Mes premiers pas dans la peau d'une prof au Brésil

  • Chloé
  • 12 sept. 2018
  • 6 min de lecture

Notre arrivée en terre brésilienne et mes premiers pas en tant que professeur dans une école internationale à Rio méritaient bien un petit article, qui me permet par la même occasion de tenir ma famille et mes amis informés dans les détails, chose qui devient de plus en plus difficile avec le décalage horaire et mes journées bien remplies à l’école.

En Avril dernier, on m’a offert un job de professeur d’anglais dans une école internationale chrétienne à Rio de Janeiro. On s’est donc envolés pour Rio la semaine dernière et nous voilà installés depuis presque une semaine.

Nous partageons une résidence dans les montagnes de Rio, dans le quartier de Jacarepagua, très éloigné du centre malheureusement. C’est le prix à payer pour profiter d’un endroit superbe, loin du brouhaha de la ville. Si on avait la chance d’avoir un véhicule avec nous, ce serait donc parfait! Car Rio c’est immense et nous sommes à plus de 10km à pied de l’océan et bien plus du centre.

Notre résidence est composée de 4 maisons sur une colline. L’une est en contre-bas et est habitée par M., ancien pasteur anglais, qui y vit avec ses 2 enfants. M. fait ses premiers pas au Brésil en tant que pasteur en 2015, après avoir été envoyé ici par sa paroisse en tant que missionnaire. C’est l’une des personnes les plus gentilles que j’ai rencontrées dans ma vie. K., C., A., K., et M. sont les filles et elles se partagent une grande maison à côté de la nôtre. M. l’américaine amoureuse du Brésil est l’institutrice de CP, A. est une hondurienne amoureuse des voyages. Elle enseigne en CE2. C. est une américaine qui a vecu 5 ans en Espagne et qui enseigne l’anglais seconde langue. K. est sud-africaine et a vecu à Dubaï. Elle enseigne la musique. Enfin, K. est une serbe qui a vecu 5 ans en Inde et qui enseigne l’art. Dans la 3eme maison, M. l’américain qui a enseigné en Chine et vécu en Colombie, est prof d'histoire et politique. Il partage la maison avec R., philippin, qui enseigne les maths. Nous, nous avons la dernière petite maison pour nous 2.

Nous partageons la cuisine extérieure et celle de la maison des garçons ainsi que leur salon et la piscine. Le mélange culturel est détonant. Heureusement il y a un excellent équilibre entre vie privée et vie en communauté.

L’école:

Rio International School fut fondée dans les années 2000 par des missionaires américains envoyés au Brésil par leur paroisse. L’école s’agrandit, ainsi que le besoin en professeurs. RIS est une école privée internationale chrétienne qui suit le calendrier américain et le programme de l’état de Virginie. Mais l’école est très libre dans son enseignement. La plupart des professeurs sont embauchés selon leurs compétences et leur experience mais également parce qu’ils ont un passé international qui bénéficie aux élèves qui ont choisi d’étudier dans une école bilingue. L’ambiance est très familiale, les élèves font parfois cours dehors. Professeurs et élèves sont très proches.

Les professeurs partagent des choses très personnelles lors de réunions hebdomadaires qu’ils appellent "devotional" et qui sont normalement réservées à la prière. Les mercredis après-midi, les élèves doivent assister à ce qu’ils appellent "chapel", comprenez un temps où l’on chante des chansons chrétiennes, où l’on prie etc...

L’école organise au moins 1 ou 2 grosses activités par mois. Pour exemple, Octobre est le mois de la lecture et une compétition sera lancée entre élèves pour récompenser le plus gros lecteur. A la fin du mois, élèves et professeurs se déguisent en leur personnage préféré et le meilleur costume est récompensé.

Quant à moi, j’y enseigne le français en primaire le matin, de la maternelle au CE2, et l’anglais seconde langue l'après-midi à des collégiens brésiliens qui ont de grosses difficultés à suivre en cours classique parce que tout est en anglais. Je donne également un cours de français en seconde à des élèves qui l’ont choisie comme langue vivante 2.

Sur le papier l'école est géniale. En réalité c'est tout autre chose. Peu de structure, pas de discipline, un niveau très bas, peu voire pas d'élèves bilingues ou étrangers comme promis par les directeurs, aucun programme, pas de supports pour enseigner, les eleves n'ont ni livres ni cahiers d'exercices, il faut être créatif. Des professeurs qui s'en vont et qu'on remplace nous-même au pied levé, des niveaux qu'on ne devait pas avoir et qu'on doit couvrir, entre autres aberrations, surtout pour des professeurs expérimentés qui ont enseigné à travers le monde. Me concernant, mon passé de professeur contractuelle en France me permet de pas mal relativiser.

Nos journées type:

6h30: notre chauffeur, Leonardo, vient nous chercher à la maison avec son petit van qui fait le bruit d’une mobylette. Direction le campus du primaire.

7h15-7h40: nous prenons le petit dejeuner entre profs à l’ecole.

7h40: mot de la directrice, prière.

8h: arrivée des élèves.

11h30: déjeuner à l’ecole en salle des profs. (La nourriture est tout simplement extra!)

12h40: départ de certains d’entre nous pour le campus du secondaire.

16h30: fin des cours, goûter dans le hall pour profs et élèves. Leonardo nous récupère après avoir pris les professeurs du primaire.

RIS nous paye le petit déjeuner et le déjeuner et une très petite partie de notre salaire part dans le logement. Nos salaires sont plus élevés que les locaux mais beaucoup plus bas que ceux des professeurs internationaux des autres écoles privées de la ville.

***

Hier matin c’était mercredi. Et le mercredi est dédié au "devotional" le matin et à la chapelle l’après-midi. J’ai donc assisté aux deux. Je savais que l’aspect religieux serait un challenge pour moi mais je pensais m’en sortir par ma tolérance, le fait que je m’y étais préparée psychologiquement et parce que je savais que je devrais prendre du recul. Le fait de le vivre, d’avoir cette impression de ne pas faire partie de tout ça, bien que certains profs soient d’autres confessions ou meme athées, et le fait que beaucoup soient vraiment très pratiquants, surtout les brésiliens, a tout de même été tres perturbant pour moi. Je l’associe toutefois aussi au choc culturel que je n’avais pas encore ressenti et au fait que je viens de débarquer dans un pays à l’autre bout du monde, dans une école qui enseigne dans une autre langue que la mienne, selon des méthodes bien différentes de celles que j’ai connu en France, aussi bien en tant que professeur qu’élève, et que je vis avec des personnes de 5 nationalités différentes qui sont majoritairement mécontentes de leurs conditions ici et donc très négatives.

Le midi je mange avec les profs brésiliens et je ne comprends pas un mot de leur conversation. Le fait que les profs et la directrice partagent des choses aussi personnelles et intimes durant les devotional reste encore un choc culturel pour moi. Les européens sont beaucoup plus réservés, surtout sur le lieu du travail et il peut paraitre difficile de s’ouvrir à des inconnus/collègues quand ce serait une énorme "bizarritude" dans notre pays.

Je suis rentrée hier soir un peu perturbée je dois avouer. Beaucoup de changements ont finalement eu lieu dernièrement, qui pourraient d’ailleurs faire l’objet de plusieurs articles de blog, comme le fait que mon mari ne travaille pas encore ici et soit devenu "le conjoint suiveur." Et je me rends compte que je dois m’accorder ce que j’accorde volontiers aux autres mais pas à moi-même: de la tolérance.

J’apprends avec cette nouvelle aventure à prendre conscience de ce que j’accomplis. Et alors que je comprendrais à 100% que quelqu’un d’autre n’ose pas, n’en ait pas envie ou même baisse les bras, je ne me l’accorde pas à moi-même. Je m’interdis de rater, reculer, rechigner, ou même avoir peur. Je pousse le vice jusqu'à m’interdire d’être négative, de me plaindre ou de manquer de gratitude. Et même si je ne dois pas tomber dans ces sentiments, je me rends compte que j’ai le droit de les ressentir.

C'est en effet plutôt perturbant de se retrouver à pleurer avec 10 autres professeurs et sa directrice pendant une réunion “professionnelle”, ou de vivre avec 7 personnes inconnues qui ont chacune leur culture et donc leur façon de réagir face à telle ou telle situation, ou encore de se sentir hapé par la religion quand on est allé à la messe 4 fois dans sa vie.

Parce qu’au fond, je suis déjà en train d’apprendre à vitesse grand V de tout ça et un nouveau changement est certainement déjà en train de s’opérer en moi.

Une semaine que je découvre cette nouvelle vie et sûrement des tas d’articles a venir! :)


 
 
 

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