Thaipusam: une journée en Inde
- Chloé
- 23 févr. 2017
- 4 min de lecture
Le premier jeudi après notre arrivée est déjà férié ! Les gars sont tout heureux, ils vont enfin pouvoir flâner dans Kuala Lumpur. Ici, il y a encore plus de jours fériés qu’en France (pas besoin d’en dire plus pour que vous sachiez que c’est de la folie !) L’un des stagiaires est un « ancien », son stage touche à sa fin et il repart bientôt. Sans trop poser de questions, on le suit docilement et avec joie lorsqu’il nous dit simplement «apparemment il y a un festival indien à Batu Caves, des mecs se mettent des poignards dans le corps et traversent toute la ville pour atteindre la grotte. Il faut y aller tôt pour avoir de la place. » Soit.

Jeudi matin, 7h30, nous voilà réunis à la gare pour prendre ce qu’on pense être un des premiers trains. Comme à l’accoutumée, le quai est plein. Pas d’inquiétude, c’est toujours ainsi. Lorsque le train arrive, surprise ! Les rames sont pleines à craquer, où que nous allions ! La majorité des personnes sont indiennes (peau très noire, bindi sur le front des femmes, grandes tuniques dorées et travaillées) et quelques « blancs » (c’est ainsi que l’on appelle les occidentaux ici) semblent s’être perdus ici, poussés par la curiosité. En une minute, nous sommes transportés en Inde ! Même le métro de Paris n’est jamais aussi bondé, nous rions, collés à un fessier, un coude, un genou... le trajet s’annonce long ! Après d’interminables minutes, le train arrive enfin. Là, le spectacle est étonnant et impressionnant. Des milliers d’indiens attendent déjà de l’autre côté de la gare et derrière des grilles, pour reprendre le train en sens inverse. Les agents de la sécurité ne cessent de siffler. Ceci vous paraîtra peut-être déplacé mais je n’ai pu m’empêcher de penser aux wagons dans lesquels on parquait les juifs durant la Seconde Guerre Mondiale… Nous réussissions doucement à nous frayer un chemin vers la sortie. A l’extérieur, les gens sont partout. Assis sur l’herbe, flânant dans la longue allée de stands en tous genres menant aux Batu Caves. Des hauts parleurs hurlent de la musique indienne, des stands proposent aux hommes de leur raser le crâne, il faut être patient et habile pour se frayer un chemin à travers la foule.
Au bout de l’allée de stands, on débouche sur une grande esplanade aux pieds d’un gigantesque Bouddha en or. Celui-ci garde l’entrée des Batu Caves, qui se trouvent encore à des centaines de marches de là, nichées au cœur d’une grotte (d’où leur nom.) Sur l’esplanade, des milliers d’indiens, un bruit insoutenable, de la musique forte, des cris, des nuées d’indiens qui scandent, en cœur, ce qui semble être les mots « vel vet ». Vel est la lance, celle avec laquelle le dieu Murugan défia le démon. C’est principalement cela que fêtent les indiens tamoules lors du festival Thaipusam. Durant la pleine lune du mois tamoul (janvier-février), ils commémorent la naissance de Murugan, le plus jeune fils du dieu Shiva et de sa femme Parvati. Nous nous avançons tant bien que mal parmi la foule. Le soleil tape, la chaleur est à peine soutenable, mon dos dégouline, mes cheveux collent à mon cou, le bruit et la foule sont étouffants. Passé cet accès de panique, nous suivons la foule qui va, doucement, procéder à l’ascension des marches afin de rejoindre la grotte et déposer des offrandes aux dieux. La plupart des hommes ont le crâne rasé et de la poudre d’or sur le front. Ils sont pieds nus et nous escaladons un monticule de tongs et chaussures en tous genres avant d’accéder aux marches.

Là, nous sommes rattrapés par une file indienne qui scande « vel vet ». Ils laissent ensuite la place à un homme, d’une trentaine d’années, relativement mince, portant un énorme décor sur son dos. Le décor, il le maintien grâce à une ceinture qui entoure son buste. Trois hommes sont autour de lui, prêts à déposer un petit tabouret derrière lui lorsqu’il ne peut plus avancer. L’homme s’assoit alors, épuisé. Ses yeux sont à demi clos, lorsqu’il les ouvre, ses pupilles sont dilatées et on ne voit plus que le blanc de ses yeux. L’homme est en transe. On apprendra plus tard que ces hommes (ou femmes) ne sont pas des prêtres mais des personnes lambda qui décident de porter ces décors, de se transpercer le corps de couteaux ou d’hameçons qui leur permettent d’apporter des fruits aux dieux, se nourrissent pendant trois mois exclusivement de lait et de bananes et font vœu d’abstinence.

Arrivés en haut des marches, nous jetons un œil en contre bas. La foule est encore plus impressionnante, c’est à peine croyable. Les couleurs, très vives, forment un tout très beau. Nous pénétrons alors dans la grotte. Sa splendeur est quelque peu altérée par la foule mais elle n’en reste pas moins magnifique. Si l'on relève la tête, l'on aperçoit le ciel. La grotte est ouverte au centre et l’on peut voir de la végétation luxuriante et tropicale sur les murs, des singes et d’immenses falaises entourant la grotte. Des autels pour les dieux sont disposés çà et là. Des déchets jonchent le sol, des poules sont posées au milieu, un peu partout. Lorsque nous redescendons les marches, une femme est transportée sur une civière en très mauvais état. Son bondi a coulé et nous la verrons subir un massage cardiaque en passant, plus tard, devant le poste de secours. Il faut dire que la foule est indescriptible, la chaleur très forte et le bruit insoutenable.
Nous réalisons difficilement ce que nous venons de voir. L’expérience est incroyable, très perturbante et époustouflante !
Commentaires