"On fait le bilan, calmement...
- Chloé
- 14 déc. 2016
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 sept. 2021

Quatre mois ont passé et c’est presque le moment de boucler les valises et refermer la porte. Il y a une semaine c’était dur, et puis nous avons passé un week-end exceptionnel dans la région du Connemara, à en prendre plein la vue de cette Irlande magique, de ce pays qu’on aime tant, à se tenir la main, se regarder en souriant, sereins, pour finalement rentrer, repus d’aventures et de beauté, prêts à tourner doucement une jolie mais trop courte page et à embrasser la suivante.

C’est difficile de juger, de goûter ou de connaitre un pays après seulement quatre mois. Mais je me dis aussi qu’on ne connait jamais vraiment son propre pays, encore plus quand je regarde le monde d’aujourd’hui.
J’ai lu il y a quelques temps une phrase qui disait « On a ce sentiment étrange lorsque l’on est sur le point de quitter un endroit. Que l’on ne va pas seulement être en manque des gens qu’on aime mais aussi de la personne que nous sommes, à ce moment précis, à cet endroit précis. Parce que ne nous serons plus jamais cette personne. » J’ai peur effectivement, peur que cette aventure ne soit pas assez ancrée en moi pour me permettre de combattre les différences à notre retour, pour ne pas trop laisser de place à mes vieilles habitudes et mon ancienne façon de vivre. Qu’il va être dur de ne pas pouvoir parler à n’importe quel inconnu dans la rue, de ne pas recevoir des sourires sincères à longueur de journée, de ne pas compter sur le calme et la positivité légendaires des irlandais au quotidien. Qu’il va être pénible d’entendre parler de place dans la société, d’études longues, de chômage, de se sentir si insignifiant dans son travail, si peu reconnu, jugé. Qu’il va être étrange et déconcertant de ne plus bénéficier de cette place privilégiée de voyageur. Celui qui se permet de passer une soirée, deux ou trois soirées avec des inconnus, qui saute sans cesse sur l’occasion de rencontrer du monde, de se mêler aux gens et de se nourrir d’eux…

S’il y a une chose que je ne veux pas perdre de ce pays exceptionnel, c’est sa manière de ne pas juger. D’aimer la vie et les gens. Sa manière de placer l’individu en tant que tel au centre de l’attention, faisant fi de tous les artifices qu’on a tendance à lui ajouter en France (sa classe sociale, son niveau d’études, son travail, son salaire, sa voiture…) Ici, on m’a dit merci chaque fois que je suis partie du travail, sincèrement. A première vue ça semble évident ou même insignifiant mais je vous assure que c’est marquant.
L’Irlande du Nord et les gens que l’on a rencontrés ont également participé à notre éveil sur le monde et sur nous-même. Nous avons pris conscience de la valeur du monde. Nous l’aimons, nous avons profité de ses paysages époustouflants, nous avons eu la chance de marcher chaque jour au bord de la mer et d’être émerveillés par la moindre parcelle de ses terres, il est donc normal de le respecter en retour et de le remercier. Etre ici a été une prise de conscience personnelle, écologique et profonde. Nous avons eu la chance de nous sentir plus proche de nous-même, dans le sens où l’on sait ce que l’on veut et où l’on va. Où chaque pierre de l’édifice a été posée, étape par étape, nous permettant à la fin de mieux nous connaitre et d’avoir dessiné les contours de nos envies, de nos projets, de nos futurs. Pas ceux que la société veut pour nous mais ceux que l’on veut pour nous-même, ceux qui nous rendent intimement heureux, qui nous envoient des papillons dans le ventre et qui nous font battre le cœur plus fort.

Finalement, être ici, être ailleurs, était aussi une belle occasion de retomber amoureux de notre pays. Entre internationaux, il arrive régulièrement de discuter de nos contrées. Comment les autres voient notre pays (à travers les médias ou leur propre expérience), comment nous nous le voyons, comment nous y vivons, ce que nous adorons et ce que nous détestons. Pourquoi les allemands ne nous aiment pas alors que les irlandais nous adorent. Ce qui marque les autres en France. C’est également la meilleure opportunité de demander aux autres ce qu’il se passe réellement chez eux sans avoir la réponse biaisée d’un magazine « lavage de cerveau » ou « pute à cliques », bien qu’il soit important de garder un certain recul en sachant très bien que l’on est en train de discuter avec une infime partie de personnes dudit pays. C’est aussi très agréable de voir à quel point la France peut fasciner. A quel point certains pays l’adorent. Sans surprise, l’image de la France se résume souvent à Paris mais heureusement pour nous, elle est souvent plus positive que négative.
La France renvoie à la romance, à l’art, à la culture, le libéralisme, la liberté. Autant de valeurs dont nous pouvons être fiers. Quand j’ai peur de rentrer et de subir certaines « traditions » françaises que je ne supporte plus, j’ai aussi l’immense fierté de voir mon pays se battre pour le droit à l’avortement et à l’information quand ici des femmes manifestent régulièrement dans les rues pour qu’on leur donne le droit de disposer de leur corps et de leur vie librement. Quand je vois toutes ces jeunes filles sortir à peine habillées, boire à ne plus pouvoir tenir debout, allumer tous les mecs de la boîte de nuit, je comprends que, comme aux Etats-Unis, il y a un réel souci d’hypocrisie entre conservatisme et libéralisme, où les jeunes sont piégés entre les deux, ne sachant pas vraiment comment trouver leur place. Si l’Irlande du Nord est un pays qui ne juge pas et qu’on peut beaucoup plus facilement y croiser des punks qu’en France (punks ou tout autre style qui sort de « l’ordinaire »), c’est aussi un pays conservateur et à la mentalité parfois étriquée. L’immigration, le partage avec tous et non pas seulement certains pays, disposer de son corps, préférer montrer un sein dans un magazine mais se respecter et s’assumer en boîte de nuit, tout ça sont des notions parfois difficiles à accepter ici. Eh oui, aucun pays n’est parfait. Mais rien ne vaut d’y goûter, de se rendre compte des différences, de revenir enrichi, reconnaissants envers son pays tout en ramenant des choses qu’il faudrait changer et améliorer.

Voyager est un privilège que notre génération et celles à venir ont l’immense chance d’avoir à leur portée. Il est indispensable dans le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui de se permettre de voir, de goûter, d’apprendre et de s’informer. Mais au-delà de cela, il est incroyable de pouvoir goûter de cette manière à la vie, aux gens, de vivre si intensément et d’être autant enrichi. Le voyage apporte une sérénité heureuse, une paix avec soi-même, cette même paix qui permet de comprendre et d’accepter les autres, leurs pensées, leur bonheur, leur style de vie. Cette paix qui permet d’embrasser ses envies, qu’elles se trouvent à des milliers de kilomètres ou dans l’amour de nos familles, dans le sourire d’un enfant et dans nos vies plus « posées ». Il est primordial de respecter le bonheur de chacun et de soutenir son prochain dans ses choix de vie. Nos familles et nos amis nous l’ont rappelé sans cesse durant ces quatre mois, en acceptant que l’on soit loin, que l’on ne soit pas présents aux événements importants, qui leur tiennent à cœur, en prenant le temps de nous écrire et nous appeler, même en ne nous voyant plus apparaitre tous les week-end, en nous disant haut et fort qu’ils sont heureux pour nous et qu’ils acceptent. MERCI !
To be continued…

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