Une semaine en van en Ecosse: le goût de la liberté
- Chloé
- 7 avr. 2018
- 7 min de lecture

La nature est selon moi ce Dieu que l’on ne peut nommer. Cette force bien au-delà de tout ce que l’on peut comprendre et appréhender. Tout ce que l’Homme ne sera jamais capable d’accomplir, d’ériger. Et contrairement à un dieu, la nature on la voit. On vit avec elle. Et pourtant on ne la ménage pas car elle nous paraît invincible et parce que nous ne lui prêtons pas suffisamment d’attention. Cette semaine en van, dans un pays sauvage comme l’Ecosse, a donc été une leçon d’humilité et une façon d’être si proche d’elle que l’on est forcé de la voir et de prendre conscience de nos actes, de notre impact. Egalement car la vie en van nous rationne. Si l’on pollue plus que d’ordinaire niveau émissions de gaz, on se rattrape largement sur notre consommation et nos économies en déchets et ressources.
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La vie en van nous attirait depuis un an. Que l’on soit honnête, c’est d’abord pour les photos de paysages à couper le souffle qui peuplent les comptes Instagram des personnes qui vivent ainsi plusieurs mois. Leur facilité à traverser les pays, à le faire en utilisant le strict minimum. Ensuite, ce sont les réflexions sur la vie en général et les leçons qu’ils en tirent, vivant une vie simplifiée, loin du divertissement et du bruit ambiant, les rapprochant d’eux-mêmes comme peu d’expérience peuvent le faire, couplé à leur proximité avec la nature, qui nous attirait. Mais nous savions que ce n’était pas que rose et je me demandais souvent si l’inconfort ne serait pas trop pour moi, s’il ne prendrait pas le pas sur la beauté de l’expérience. Bien entendu, ce n’est pas en une semaine que j’ai de vraies réponses à ces questions, mais j’en ai toutefois de plus précises.

Notre van est relativement petit. L’arrière (sans la cabine conducteur) ne dépasse pas les 6m2 je dirais. Il n’est pas encore complètement aménagé non plus. Nous avons donc une armoire avec deux étagères pour divers rangements, deux tiroirs pour nos vêtements, un coin pour les ordinateurs et diverses prises électriques et deux gros tiroirs pour les ustensiles de cuisine, plus un plan de travail comprenant un évier. Enfin, le lit, sous lequel étaient rangés les outils, l’eau, notre linge sale et d’autres affaires. Nous sommes partis avec un jerrycane d’eau de 35L relié à notre évier et un pack de 6 bouteilles d’eau. Nous avons une gazinière de camping avec deux plaques, reliée à la bouteille de gaz qui se situe derrière le siège conducteur. Nous avons une batterie de 12V qui se recharge la journée avec notre panneau solaire sur le toit et qui nous servait pour l’électricité et pour recharger nos téléphones et ordinateurs.
Première chose : la vie en van est aussi agréable et saisissante que l’on s’imaginait. J’ai redécouvert que l’Homme s’adapte à tout très vite et très naturellement. A l’image de la Malaisie, j’ai repris conscience qu’on vivait très bien avec très peu car les ¾ de ce que nous possédons sont du superflu qui nous éloigne de nous-même quand l’essentiel et le minimum, en balayant le bruit, le divertissement, les mille choses qui parasitent notre quotidien, nous rapprochent de ce que nous sommes réellement. Ils nous réconcilient avec nous-mêmes, nous apaisent et remettent tout en perspective. Etre capable de vivre comme ça, sans ressentir de manque ni de frustration est à la fois une victoire et une leçon. Prendre le temps, avoir le temps, ralentir, vivre pleinement, apprécier le moindre détail et être libre est déconcertant au départ, après plusieurs mois de vie à mille à l’heure, mais redevient très vite exceptionnel. Adieu stress, susceptibilité, vision trop étroite car parasitée par les mille pensées qui traversent constamment nos esprits, routine mortelle, tâches rébarbatives et redondantes, impression de voir sa vie filer devant soi, ne jamais avoir le temps, vouloir rajouter des heures à nos journées pour finalement certainement ne pas les utiliser davantage pour nous.

Pas une seule fois l’étroitesse de notre espace n’a été frustrant. Nous aurions aimé avoir plus de rangements et nous savons que si notre van devient un jour notre maison le temps d’un long voyage, il le faudra. Nous emmenions notre maison, nos affaires, nos repères partout avec nous, nous pouvions aller où nous voulions, faire nos plans la veille pour le lendemain ou le matin même, tant que le compte en banque suivait, nous pouvions décider d’aller plus haut, plus loin ou ne rien faire ce jour-là. Nous n’avions aucune contrainte. Nous avons dormi dans des endroits magnifiques car l’Ecosse est un pays qui est particulièrement fait pour les campeurs et voyageurs itinérants. Nous décidions de poser notre maison devant un lac, une montagne, au-dessus d’une colline, au bord de la mer, en changeant chaque soir de décor. Nous faisions à manger face à ces vues, nous réveillions face à ces décors rêvés et prenions notre café avec le silence, les oiseaux, la perspective d’une autre journée de liberté à en prendre pleins les yeux. Nous étions au plus proche de la nature et nous n’avions besoin de rien de plus. Et avec le recul, je me rends compte que c’est plutôt incroyable. En rentrant, j’ai eu l’impression que mon petit appartement était une villa ! Ce qui a davantage remis en perspective le superflu avec lequel nous vivons quotidiennement. Cette vie en van me manque encore une semaine après notre retour. Même si j’ai parfois eu hâte de retrouver ma douche, mes toilettes, ma cuisine, ma machine à laver et un peu plus d’espace, ce n’est rien comparé à la façon dont cette vie nomade me manque aujourd’hui.

Une des expériences les plus enrichissantes fut également celle que j’ai vécue avec les animaux et la nature. Je suis très peureuse. Je ne suis donc pas du tout à l’aise avec les animaux que je ne connais pas même si je sais qu’ils sont inoffensifs. Je ne suis pas non plus à l’aise avec le fait de dormir au milieu de nulle part dans la nature où je ne me sens pas nécessairement en sécurité. Ces deux choses sont maintenant derrière moi. Je me suis sentie bien et en sécurité dès la première nuit. Vivre entourée par des moutons en liberté, un peu comme si j’étais venue passer la nuit chez eux, et le fait qu’ils fassent partie du décor et fassent leur vie en nous regardant à peine, m’a permis de voir à quel point la nature est bien faite. Tout est paisible, à sa place, et j’avais l’immense chance d’être moi aussi une partie de cette image parfaite, de cohabiter avec eux.

Toutefois, il y a forcément une partie plus mesurée qui est tout aussi importante et qui fait partie de l’expérience. La vie en van n’est pas toute rose et peut être difficile voire fatigante. Ne pas trop rouler est difficile lorsque l’on a envie de tout voir et que c’est aussi simple parce que l’on transporte sa maison avec soi. Ne pas prendre une vraie douche chaque soir a été pénible à la fin. La température nous permettait d’être très propres avec une toilette à l’évier (gant, savon et eau), du shampoing sec et deux vrais shampoings sous 7 degrés la tête dehors mais ce n’était pas l’idéal. Constamment trouver un coin pour faire pipi dehors sans être vue, devoir attendre environ 1h le matin de déjeuner et partir s’éloigner pour le faire était difficile. C’était même devenu très pénible à la fin. Sans parler des besoins plus importants dans les pubs, restaurants ou toilettes pour touristes aux points de vue que j’ai limité à m’en faire mal au ventre. Le linge sale qui s’amoncelle, le manque de place pour faire à manger également. L’impossibilité de se maquiller devant un miroir, de s’épiler. Autant de détails intimes mais qui font partie intégrante de la vie en van et qui donc, posent beaucoup plus problème à une femme qu’à un homme. Mais autant de détails qui peuvent être améliorés lors d’un voyage de plusieurs mois/semaines. Toilettes sèches ou chimiques dans le van, cabine de douche ou douche avec poire sur le toit du van dans un pays chaud ou en été, sessions au lavomatique, meubles de cuisine supplémentaires et miroir dans le van.

Enfin, la leçon la plus saisissante et importante est que si nous nous pensons écolo’ et minimalistes, nous en sommes loin dans notre vie de tous les jours ! Nous faisons notre part et c’est très important mais c’est malheureusement insuffisant. Nous avons utilisé en 7 jours environ 60L d’eau (vaisselle, toilette, shampoings, cuisine.) Le jerrycan de 35L au départ, rempli à moitié une seconde fois au milieu des vacances et notre pack d’eau. Quand je me douche chez moi en prenant mon temps, j’utilise environ 40L d’eau… On n’imagine donc pas une journée avec lessive et vaisselle ou un bain ! Nous avons utilisé une seule poubelle pour la semaine et deux rouleaux de papier toilette (nous allions souvent dans des restaurants et pubs.) Les chiffres restent saisissants !
Tout cela en constatant que même dans un pays magnifique et sauvage comme l'Ecosse, qui semble attirer une majorité de voyageurs itinérants, campeurs ou à pieds, donc en principe qui aiment particulièrement la nature, on retrouve ça et là des endroits bourrés de déchets. Bouteilles en plastique vides, poubelles même vers d'anciens campements... Choses qui nous dépassent quand je n'hésitais pas une seconde à récupérer mon papier toilette pour le mettre à la poubelle chaque fois que j'ai fait pipi dehors! Voyager pour apprécier pleinement la nature et laisser traîner ses déchets par fainéantise... contradiction, bêtise ou les deux à la fois?
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En résumé, cette expérience était pleine d’enseignements, incroyable et enrichissante. Elle serait certainement devenue difficile sur le long terme sans les améliorations citées ci-dessus et le fait que nous retrouvions rapidement notre confort a peut-être biaisé quelque peu ma vision, mais rien n’enlève les sentiments de bien-être et de liberté enivrants et indescriptibles qui nous habitent non-stop en van. On a entièrement conscience que nous n’aurions pas eu la même expérience de l’Ecosse en dormant à l’hôtel ou en ayant simplement loué une voiture. Notre van est notre maison et nous étions si bien dedans le soir avec nos livres, nos films, nos pâtes qui cuisaient, notre bière et nos discussions infinies à cœur ouvert devant notre fenêtre et l’immensité de la nature reflétant l’immensité de nos cœurs dans ces moments précis. On laissait tomber le voile pour être pleinement nous-même et surtout pour pleinement vivre, ce que l’on ne sait et que l’on ne peut pas suffisamment faire dans nos vies routinières de folie. La nostalgie s’estompe petit à petit pour laisser la place à l’excitation de nouveaux projets et parce que je sais que l’Ecosse n’était pas la seule expérience de ce type que nous aurons mais la vie en van couplée à la beauté du pays ont été difficile à réaliser et surtout à digérer une fois les deux pieds revenus sur terre. Nous avons plané toute cette semaine passée et mes pensées ont souvent vagabondé depuis. L’essentiel a de nouveau été à portée de nos mains cette semaine-là. Nous l’avons ingurgité comme des assoiffés, en nous promettant de le chérir bien au-delà des vacances.

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